Le Printemps – 4 février 2023

« Les trois mois de printemps sont appelés jaillir et déployer (Fa Chen).

Ciel et terre ensemble font vivre et les dix mille êtres en tirent leur fleurissement.

On se couche à la nuit et à l’aube on se lève.

On marche dans la cour à grands pas, cheveux dénoués, corps détendu, afin d’exercer son son vouloir dans le sens de la vie : on laisse vivre et on ne tue pas., on offre et on ne prend pas, on récompense et on ne punit pas.

Telle est la correspondance aux souffles du printemps et la voie pour nourrir la vie. Aller à l’encontre de cela blesserait le foie et produirait en été des bouleversements dus au froid par insuffisance de l’offrande au mouvement d’accroissement (Chang) spécifique de l’été »

Su Wen, chapitre II

La symbolique du printemps

Le printemps recouvre les mois de février, mars, avril. C’est la saison la plus importante de l’année. Le caractère chinois qui le désigne, Chun, évoque le soleil qui monte à travers les arbres. C’est en quelque sorte la montée initiale du Yang à travers les formes qu’il réchauffe et anime.

Le matin, par exemple, lorsque nous nous réveillons, nous passons de la nuit au jour, nous ouvrons les yeux et accueillons la première lumière, nous passons de la position allongée, horizontale, à la position verticale, assis ou debout. Nos cinq sens endormis ou tournés vers le rêve s’ouvrent soudain et orientent notre esprit vers le monde extérieur et l’état de veille.

Tous ces changements d’état spécifiques propres au réveil matinal mobilisent de différentes manières les fonctions de l’organe du printemps, le foie: réveil, yeux ouverts, extériorisation, verticalité, tonus musculaire.

Le renouveau de la vie

Le printemps représente le matin de l’année en cours. Il s’exprime également par la poussée de vie d’une plante qui monte du sol , s’épanouit en cinq rameaux et produit des fruits. Il s’agit du caractère Sheng, la création, la naissance et la vie tout à la fois.

Ce réveil de la vie peut s’exprimer avec un certain fracas. Tonnerre et éclairs annonçaient pour les Anciens l’arrivée du printemps avec les premières pluies et la levée du vent d’est. L’orage lui-même était considéré comme la manifestation du dragon., les éclairs provenaient de ses yeux et le tonnerre était sa voix.

Pourtant, malgré ces attributs tonitruants, le dragon d’azur ou dragon vert était aussi le symbole de la vie naissante et le symbole de l’empereur. La notion de réveil et de tonnerre se retrouve dans le trigramme Zhen, «l’ébranlement». C’est la période où les Anciens observaient l’apparition dans le ciel des étoiles « les cornes du dragon » (Arcturius et l’Épi de la vierge. Ainsi, l’énergie du printemps marque fortement de sa poussée initiale toute vie naissante ou en voie d’expression, et tout ce qui va s’élever, à partir de la terre ou de l’obscur, dans une tension exprimant la montée du Yang.

Le ciel et la terre produisant le mouvement de création et de vie, c’est le temps d’expression de l’infinie variété des êtres vivants, plantes, animaux, hommes, les «dix mille êtres » mais aussi les « dix mille choses ».

Le réveil et l’ouverture au monde

On profite de l »énergie naissante en se levant tôt pour pouvoir humer les premières vapeurs du jour, les premiers rayons de soleil. Les jours sont court et le Yin réclame sa part, on se couche donc tôt. Dès le matin, on doit favoriser l’extériorisation des énergies vitales et donner libre cours au flux vivant qui accompagne le réveil, en l’intensifiant de la manière la plus naturelle qui soit, en marchant à grands pas et au plus près de son lieu de réveil. Toute contrainte, toute pression mécanique sur le corps doit être relâchée. C’est la période idéale pour favoriser le déploiement et le repliement des membres, du corps, des tendons et des articulations, afin d’intensifier l’extériorisation des souffles du printemps.

Exercer ainsi son vouloir dans le sens de la vie, c’est se relier pleinement à tout ce qui vit par l’écoute, l’accueil, le mouvement généreux qu’illustre spontanément le souffle de vie, qui passe par tous et n’appartient en propre à personne .

Dans cette vision ouverte et globale, la vertu naturelle de bienveillance qui sied naturellement au printemps se révèle. Avoir le sens de l’autre, savoir qu’on ne peut exister seul, éviter de supprimer la vie ; offrir plutôt que revendiquer, reconnaître ce qu’on doit et plus, plutôt que de retirer ou retrancher ce qu’on est censé nous devoir. Il importe au printemps de répondre à la générosité du mouvement vital impersonnel par la générosité ouverte et personnelle. La vie tout entière, la nôtre et celle qui nous entoure, s’en trouvera nourrie. Contrarier ce mouvement empêcherait l’organe du foie d’exprimer son plein régime et ce serait risquer de ne pas bénéficier en retour de sa chaleur et de ses défenses contre les énergies pernicieuses internes et externes du froid au cours de la saison suivante, l’été.

En effet toute entrave au mouvement de vie du printemps, entraînera une déficience dans la capacité du bois à nourrir le feu et donc du foie à offrir sa pleine vitalité au cœur. Cette offrande insuffisante restreindra le mouvement d’accroissement ( Chang) de l’été dont le cœur, parmi les cinq organes subtils, et le représentant.

Le printemps, le foie et la saveur acide

L’organe du printemps est le foie, lieu de résonance interne de toutes les modalités de cette saison. Il est aussi marqué par les empreintes de la naissance et de la toute première enfance, qui sont comme le «printemps de la vie», déterminantes pour le mouvement de la fonction foie et pour la mise en éveil de la personne. C’est ainsi que chaque printemps et chaque matin remettent l’homme en phase avec les conditions de sa propre naissance et toutes les difficultés touchant cette suite emblématique: printemps-matin-naissance constitueront des occasions d’obstruction éventuelles qu’il faut apprendre à libérer ou à déjouer.

Dans la nature c’est la saveur acide qui domine, celle qui s’exprime dans les herbes, les pousses et les feuilles naissantes. C’est elle qui nourrit le foie et peut aussi freiner son énergie si elle est excessive.

Recommandations sur le plan général

On se lève tôt pour profiter de l’énergie naissante, pour humer les premiers rayons du soleil. Le Yin nécessite un entretien, on se couche tôt.

On favorise l’extériorisation des énergies vitales en marchant tranquillement à grand pas et au plus près de son lieu de réveil. Toute contrainte, toute pression mécanique sur le corps doit être relâchée : on dénoue les cheveux qui sont nos « antennes », le col, la ceinture, tout ce qui comprime et étrangle le passage des souffles.

On étire ses membres, ses tendons et ses articulation, on pratique le Tai Ji Chuan, le Qi Gong, en particulier le Dao Yin, afin de prévenir les troubles éventuels pour l’ensemble de l’année.

On se relie pleinement à tout ce qui vit par l’écoute, l’accueil, la générosité. Le printemps est une période où la relation d’amour prend toute sa force et sa tension. On exerce ainsi son vouloir dans le sens de la vie.

Recommandations sur le plan alimentaire

On allège la nourriture, car une nourriture trop riche au début de la saison provoque généralement une surcharge et un feu du sang, préparant des désagréments à venir, en particulier des diarrhées et des rhumatismes en été et en automne.

On augmente le doux pour renforcer et stabiliser la rate qui risque d’être agressée par le printemps dont la nature favorise un mouvement d’élan et de percée.

On modère sa consommation de boisson afin de permettre à la chaleur Yang de progresser avec les énergies alimentaires, sans la freiner trop rapidement par l’absorption importante d’eau ou de liquides frais. Boire froid renforce le Yin. Si on boit frais trop souvent, on s’oppose à l’essor des énergies du printemps que le foie transmet à l’estomac et au corps tout entier.

On prend le soir, au coucher, un bouillon léger(de poireaux ou de navets) avec une pincée de sel.

On évite les excès de pâtisserie qui peuvent blesser la rate et l’estomac. En revanche, on peut consommer des céréales de nature fraîche et de saveur douce (orge, blé), afin d’éviter d’apporter trop vite de la chaleur d’origine alimentaire.

Recommandations sur le plan de l’hygiène de vie

On aide notre énergie à se désobstruer, à prendre son essor et à circuler librement dans le corps en libérant en particulier son expression au niveau des yeux, orifices sensoriels directement placés sous l’autorité du foie et indirectement sous celle du cœur. Cela se fait en regardant les espaces libres, les jardins, les forêts, l’océan, les lacs, la ligne des montagnes à l’horizon, tout ce qui ouvre le regard et le libère des visions trop restrictives ou denses.

On évite de s’enfermer chez soi, de rester casanier, ce qui pourrait favoriser la tristesse et la mélancolie, en contradiction avec la nature qui s’éveille.

On se garde du vent, sous toutes ses formes.

On se lave avec de l’eau chaude des genoux aux pieds pour éliminer les gonflements des pieds.

On passe chaque matin un peigne de bois ou d’écaille dans ses cheveux, cent à trois cents fois, pour faire monter et libérer l’énergie Yang du méridien du foie et renforcer les reins.

Conséquences de l’instabilité climatique.

Les troubles qui surviennent à l’arrivée du printemps se sont souvent préparés depuis le solstice d’hiver. Le problème est compliqué par le fait qu’on entre dans le printemps avec un excès de chaleur. En effet, on a souvent lutté contre le froid de l’hiver en chauffant excessivement les maisons, en se couvrant trop et en mangeant trop riche et trop chaud. Massée sous le cœur et le diaphragme, cette chaleur va brûler les liquides organiques que la rate fait monter naturellement vers les poumons : elle provoque alors céphalées, vertiges, insomnie, perte de mémoire, déficits musculaires avec faiblesse des membres, manque de force en particulier des reins et des pieds. On peut aussi constater une surabondance pathologique de salive, voire de glaires avec bouche amère.

Entre la chaleur de l’énergie d’entretien et la chaleur Yang printanière du foie qui se rencontrent, comme disent les Chinois « comme deux tigres sur un chemin étroit », le conflit est inévitable. Et il faudra utiliser des aliments et des plantes qui dispersent le vent, la chaleur et les mucosités, tout en harmonisant le souffle : ciboule, panais, soja, artichaut, orge, navet, chou chinois, canard, persil…

On modère la sexualité qui est en rapport avec le foie. Il convient d rester prudent, car l’énergie qui prend son essor au printemps risque d’être lésée et freinée ultérieurement par les excès amoureux.